Bâtiment

2024, l'année de la "TPE solutions"

Le 18/01/2024
par Samira Hamiche
Transition énergétique, emploi, ou encore sécurité sociale : dans un contexte d'incertitude économique, la Capeb espère plus que jamais faire entendre la voix des petites entreprises du bâtiment. Bien que majoritaires sur le territoire (97% du tissu des entreprises du secteur), ces dernières disposent en effet d'un poids décisionnel limité...
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Paris, le 17 janvier 2024. Dans un contexte de décroissance du secteur, le président de la Capeb, Jean-Christophe Repon, a promis de porter haut la voix des TPE du bâtiment.

Rendre leur juste valeur aux TPE... En ce début d'année, s'il n'y avait qu'un voeu à retenir de la part de la Capeb, il prendrait cette forme, à la fois générique et porteuse de multiples revendications.

À l'occasion de la présentation du bilan conjoncturel et des perspectives 2024 de l'artisanat du bâtiment, mercredi 17 janvier, le président de la Capeb, Jean-Christophe Repon, a en effet parcouru les dossiers brûlants du secteur avec un leitmotiv : le rappel du poids et du potentiel des entreprises de petite taille. 

Mieux intégrer les TPE à Ma Prime Rénov'

Traditionnellement en première ligne des travaux de rénovation énergétique, les petites entreprises du bâtiment auront, paradoxalement, du mal à se frayer un chemin dans le labyrinthique dispositif Ma Prime Rénov'. Conditionnée à un parcours jugé complexe, tant pour les artisans que pour les particuliers, cette prime pour la rénovation énergétique risque d'ostraciser bon nombre d'entreprises artisanales.

En des termes caricaturaux, Ma Prime Rénov' met la charrue avant les boeufs, en faisant primer une rénovation globale (isolation intégrale + chauffage, par exemple) sur des travaux graduels et pragmatiques. Outre le manque de logique, le concept risque d'instaurer une concurrence déloyale. Car à l'arrivée, les entreprises de grande envergure auront plus de chance de se positionner sur ces chantiers massifs, au détriment des petites structures, appelées pour du rafistolage.

"En tant qu’entrepreneurs du bâtiment, nous sommes favorables à la rénovation globale", a posé Jean-Christophe Repon. "Sauf que le quotidien des entrepreneurs n’est pas celui-ci ; la plupart du temps, les travaux viennent du dysfonctionnement d’un objet énergétique", a-t-il développé. 

"Je ne comprends pas cette non-volonté de réussir", s'est-il aussi indigné, fustigeant la politique gouvernementale de transition énergétique. Pour remettre les TPE au centre du dispositif, la Capeb appelle le gouvernement à "remettre les choses dans l'ordre" et à distiller les aides "au fur et à mesure" qu'avancent les chantiers de rénovation énergétique."

"2024 sera l’année de la TPE solutions (...) les TPE sont une solution incontournable aux problématiques de transition énergétique, du logement, de la rénovation et de l'adaptabilité de nos logements."

J.-C. Repon, président de la Capeb

Représentativité : mieux faire entendre les TPE du bâtiment 

Premier combat de l'année - et arlésienne - pour la Capeb : redoubler d'efforts pour faire peser les TPE dans le dialogue social... En espérant un jour faire primer David sur Goliath.

En France, a rappelé Jean-Christophe Repon, "97 % du tissu des entreprises du bâtiment est constitué d’entreprises de moins de dix salariés". À elles seules, ces petites structures représentent la moitié des salariés du bâtiment, et contribuent, de fait, au dynamisme de l'emploi.

Pour autant, à l'heure des négociations, leur voix est souvent étouffée par celle des grandes entreprises... C’est pourquoi la Capeb "va porter fortement la segmentation des 'jusqu’à dix', qui ont une réelle puissance économique et disposent d'un segment existentiel non négligeable". 

D'une façon générale, Jean-Christophe Repon pointe le désintéressement régnant autour de la représentativité, un sujet de prime abord "nébuleux" et pourtant crucial… "Le dialogue social est important, même si c’est aspect éloigné de l’économie", a-t-il martelé.

"Le poids de la Capeb, de l’artisanat et de la TPE n’est pas entendu à son juste titre", se désole le président de la Capeb, qui dénonce la prédominance du Medef.

"Il y a peu, quand on a eu une négociation sur l’Agirc-Arrco (retraite complémentaire), la vision de l’U2P (dont fait partie la Capeb) sur la revalorisation des petites pensions de nos ressortissants a été partagée par la CPME, mais non validée par le Medef : elle n’a donc pas été entendue. 

"Deux organisations patronales qui représentent la majorité des entreprises de petite taille en France, en étant d’accord toutes les deux, ne peuvent pas faire changer d’avis le Medef, omnipotent grace au nombre des entreprises de grande taille et leurs salariés."

Combattre les injustices sociales

Usure prématurée au travail, Sécurité sociale : ces gros morceaux se négocieront dans le paritarisme courant mars, pour espérer obtenir un accord "équilibré" début avril

"Ce que nous tiendrons, nous, en tant qu’U2P, c’est que la spécificité de nos entreprises de petite taille doit être prise en compte aussi : dans ses parcours divers, dans cette usure, et dans cette capacité que nous avons à mener nos collaborateurs le plus longtemps possible au sein de nos entreprises", a développé Jean-Christophe Repon.

"Si on n’arrive pas à porter cette voix-là, elle ne sera source que de mécontentement. On se dira 'C’est toujours la classe moyenne qui travaille, qui est opérationnelle et qui rend service, mais elle n’a pas de portée au niveau des décisions". 

Autres chantiers portés par la Capeb, la simplification administrative (notamment des dispositifs RGE et CEE) et la facilitation de création de groupements momentanés d’entreprises (GME) seront également mis sur la table ces prochains mois.

Assurer la pérennité de l'emploi et les qualifications professionnelles

Mettre les TPE à l'honneur, ce sera aussi, dixit la Capeb, veiller à transformer l'essai de la microentreprise. "On souhaite que le statut de micro-entrepreneur soit un tremplin à une situation pérenne", a ainsi exposé Jean-Christophe Repon. Une mission chère à l'organisation professionnelle, fondée après-guerre pour lutter contre le "tâcheronnage"...

"Si demain, nous étions plus nombreux dans des statuts pérennes qui protègent l’artisan et lui permettent de bien vivre, nous aurions aussi sûrement plus d’emplois et de salariés, et pourrions mieux répondre à la question de la rénovation énergétique".

Le respect des artisans du bâtiment passera aussi par celui de leur formation professionnelle. Or, à ce sujet, les voyants semblent passer au rouge, la vigilance est de mise. Comme en 2016 lors de sa lutte contre la loi Sapin, la Capeb sera attentive à toute tentative de déréglementation des métiers, "qui permettrait à des personnes en échec de se tourner vers un secteur qui ne demande pas de qualification, comme le bâtiment et d’autres".

"C’est un dédain par rapport à nos ressortissants, au public que nous représentons, et à leur niveau d’études ; j’ai le plus grand respect pour les réussites du quotidien de nos petites entreprises", a d'ailleurs salué le président de la Capeb.

Mention très bien sur l'apprentissage

Cerise sur le gâteau, et preuve - s'il en fallait encore - de leur rôle de moteur économique, les TPE de l'artisanat ont formé l'an dernier plus de 100.000 apprentis du bâtiment. Le secteur a déjà franchi le cap gouvernemental du million d’apprentis, fixé en 2019. A titre de comparaison, en 2016, 40.000 apprentis ont été formés dans le bâtiment. 

"C’est une satisfaction pour la Capeb, car l'apprentissage est un vecteur essentiel de dynamisme", a résumé Jean-Christophe Repon. Mais pour avoir à coeur de former la relève et renforcer l'attractivité des métiers, le secteur devra relever un autre défi : celui du financement de l'apprentissage, sujet à des rééquilibrages peu équitables...

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