Financement

La politique de l’apprentissage (de nouveau) dans le collimateur de la Cour des comptes

Le 07/07/2023
par Cécile Vicini
Dans une note émise le 6 juillet dernier, la Cour des comptes a épinglé la politique du gouvernement sur de nombreux sujets : transition écologique, logement, dépenses fiscales, aides de l’Etat aux entreprises… Concernant l'apprentissage et la formation professionnelle, certaines mesures jugées trop coûteuses et pas toujours bien utilisées provoquent une "très forte dynamique de la dépense".
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Ce n’est pas la première fois que les magistrats de la rue Cambon dénoncent les coûts générés par la politique en faveur de l’apprentissage.

L'été dernier, l’institution avait déjà alerté sur cette politique, ce qui n’avait pas empêché le gouvernement de prolonger les aides à l'embauche d'un apprenti jusqu'à la fin du mandat d'Emmanuel Macron mi-2027.

Pour rappel : l’aide s’élève à 6.000€, versée aux entreprises recrutant un apprenti la première année de leur contrat. Ce soutien est octroyé sans condition d’âge et niveau de diplôme (précédemment, les employeurs percevaient 8.000 ou 5.000€, selon si l'apprenti était majeur ou mineur au moment de l'embauche).

L’objectif de cette aide est triple :

  • Aider les jeunes à s’insérer sur le marché du travail,
  • Aider les entreprises à mieux cibler les compétences, 
  • Trouver une issue aux problèmes de recrutement de façon générale.

Mais, dans un contexte où le taux de chômage s'est amélioré depuis quelques années, la légitimité de ces leviers est remise en question par l’institution. Il est spécifié dans le rapport :

"Compte tenu de ces montants très élevés et de la dynamique de la dépense, se pose aujourd’hui la question du dimensionnement du soutien public à ces dispositifs dans un contexte économique favorable à l’emploi, caractérisé par un taux de chômage qui a atteint 7,1% au premier trimestre 2023. La question se pose particulièrement pour l’apprentissage avec un objectif annoncé d’un million de nouveaux contrats par an à horizon 2027 alors que son financement n’est pas pleinement assuré."

Une addition salée pour 2022

Sur un investissement total de plus de 21 milliards d’euros, généré par les pouvoirs publics, celui dévolu à l’alternance s’élève à plus de 16,8 milliards, et celui pour le CPF (Compte personnel de formation) à 2,5 milliards d’euros.

Si ces montants paraissent colossaux, il est important de les mettre en adéquation avec l’objectif ambitieux du gouvernement : atteindre le million de contrats signés en apprentissage d'ici à 2027.

Pour l’heure, ils sont passés de 297.000 en 2017 à près de 837.000 pour l’année écoulée. La politique en faveur de cette voie de formation a donc porté ses fruits et amène des résultats dans la durée.

Une aide à l’embauche d’apprentis mal orientée

La synthèse de la Cour des comptes évoque une croissante très forte de la dépense, qui n’est pas maîtrisée, tout cela conjugué à un "déficit inédit" du système de formation professionnelle et d’alternance.

Ainsi, près de 9 milliards d’euros dépensés entre 2019 et 2022 n’assurent pas une réponse aux besoins des jeunes et des actifs peu qualifiés (cf. le rapport publié l’an passé en juin 2022).

Si cette aide à l’embauche a pu profiter à des entreprises désireuses d’employer un apprenti, elle a surtout créé un déséquilibre puisqu’elle a profité aux étudiants en préparation d’un diplôme dans l’enseignement supérieur plus qu'aux jeunes qui démarrent en apprentissage.

>> Lire aussi : Olivia Grégoire : "cibler les aides vers ceux qui en ont le plus besoin"

Quelles sont les préconisations de la Cour des comptes ?

Pour les magistrats qui visent un désendettement du pays (NDLR : la dette vient de dépasser le cap des 3.000 milliards d'euros), la priorité est de reflécher la finalité de ces aides à l’alternant plutôt qu’aux entreprises. Objectif : "dépenser moins et mieux".

"Le désendettement n’est plus une option, c’est une ardente obligation pour préparer l’avenir pour les générations futures", a rappelé Pierre Moscovici, premier président de la Cour des comptes.

Parmi les recommandations :

Mieux cibler la dépense publique vers des publics prioritaires et pour des actions vraiment utiles à la montée en qualification des actifs,

Renforcer les exigences en matière de qualité des formations et de lutte contre la fraude,

Instaurer un pilotage stratégique des priorités intégrant l’enjeu de soutenabilité financière du système de formation professionnelle des salariés et d’alternance.

Quelle sera la position des hautes instantes face à cette alerte et ces recommandations ? À suivre…

Consulter la synthèse dans son intégralité 

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