Convention

Assurance-chômage : négociation à haut risque

Le 12/09/2023
par Benjamin d'Alguerre
La négociation sur la nouvelle convention d’assurance-chômage pourrait signer la fin de la gestion paritaire de l’Unédic. Corsetés par une lettre de cadrage léonine qui leur interdit de mettre en danger la trajectoire financière du régime d’assurance-chômage, et sous la menace d’une reprise en main par l’État, les partenaires sociaux s’engagent de mauvaise grâce…
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La négociation sur la convention triennale d’assurance-chômage 2024-2027 s’ouvre ce 12 septembre au Medef.

La négociation sur la convention triennale d’assurance-chômage 2024-2027 qui s’ouvre cet après-midi au Medef a peu de chances de figurer dans les annales de l’histoire sociale.

Si ce premier tour de chauffe consistera surtout à fixer le calendrier des futurs débats – débats à marche forcée étant donné le timing ultraserré que le gouvernement a imposé aux partenaires sociaux, priés de rendre leur copie avant la mi-novembre –, la question en suspens reste surtout la participation des organisations de salariés et d’employeurs à cette négociation.

Les états-majors se sont longuement tâtés, refroidis par le document de cadrage adressé par le ministère du Travail début août. Sommés de ne négocier sur rien qui puisse mettre en danger la trajectoire financière de l’Unédic pour les trois années à venir, les partenaires sociaux n’auront que le droit de placer les virgules sur le futur texte.

En clair, la contracyclicité des durées d’indemnisation, le nouveau calcul du salaire journalier de référence (SJR), les ponctions que compte imposer l’État à l’Unédic pour financer ses politiques "en faveur du plein emploi" ou encore le futur opérateur France Travail (à hauteur de près de 12 milliards d’euros) ne pourront figurer à l’agenda des discussions

L’exécutif n’hésitera pas à recourir à un décret de carence pour reprendre les choses en main si nécessaire. Dans ces conditions, pourquoi y aller ?

Mort programmée de la gestion paritaire

"Ce n’est pas parce que le gouvernement a programmé la mort de la gestion paritaire de l’Unédic que les partenaires sociaux sont obligés de l’accompagner avec l’orchestre", grince Michel Picon, le négociateur U2P.

Dit autrement : après l’échec de la précédente négociation sur la convention 2018-2023 (prolongée pour cause de Covid), l’État a repris la main sur le pilotage du régime d’assurance-chômage à coups de réformes imposant pêle-mêle :

  • la variation des durées d’indemnisation des chômeurs selon la situation économique, la fameuse "contracyclicité", déjà en vigueur depuis février dernier avec une baisse d’un quart de cette durée ;
  • le plafonnement des indemnités ;
  • l’augmentation de quatre à six mois de la durée de travail nécessaire pour ouvrir les droits à l’assurance-chômage qui, selon les professionnels du commerce et du tourisme, a vu le nombre de saisonniers diminuer drastiquement cet été ;
  • ou le bonus-malus sur les entreprises des branches accusées de favoriser la précarité et la "permittence" (c'est-à-dire la récurrence des allers-retours entre CDD de courte durée et périodes de chômage indemnisé).

Alors, face à la menace d’une totale reprise en main du régime par l’État, les partenaires sociaux ont fini par dire "banco"… mais en traînant des pieds.

A ce stade, seul le Medef se dit encore hésitant, particulièrement agacé par la perspective de voir les deux tiers des excédents prévisionnels de l’Unédic jusqu’à 2026 passer dans les caisses de l’État. Ceux-ci serviraient à financer :

  • d’une part, France Travail, l’organisme qui succédera à Pôle Emploi en 2024 (avec, au passage, une augmentation de la contribution de l’Unédic à son budget passant de 11 à 13%) ;
  • d’autre part, un coup de pouce de près de 3 milliards d’euros serait donné à France Compétences, l’opérateur en charge de la ventilation des fonds mutualisés de la formation et de l’alternance, pour financer les contrats d’apprentissage.

Ponctionner les excédents de l’Unédic pour financer l’apprentissage

Sur ce dernier point, les partenaires sociaux sont divisés.

Si pour le Medef et la CGT, c’est un non franc et massif au nom du principe que les excédents du régime doivent servir exclusivement à accélérer son désendettement, la CFDT y est discrètement favorable, la CPME plutôt pour, de même que l’U2P.

"Nous ne sommes pas fermés là-dessus. Après tout, ce genre de contribution aura un effet de prévention du chômage futur et pourrait à ce titre rentrer dans les attributions de l’Unédic", explique Michel Picon.

Pour l’Union nationale des entreprises de proximité, qui a dû encaisser une baisse de 5% des niveaux de prise en charge (NPEC) des contrats d’apprentissage portant surtout sur les niveaux CAP et Bac, ce bol d’air financier serait le bienvenu… mais pas à n’importe quelles conditions.

"Nous demanderons à ce que cette contribution fasse l’objet d’une convention entre l’Unédic et France Compétences comme il en existe déjà une avec Pôle emploi. Nous en avons assez de voir France Compétences échapper aux partenaires sociaux", prévient Michel Picon.

Au passage, les discussions pourraient également être l’occasion de poser quelques principes sur la représentation des organisations syndicales et patronales au sein de France Travail. Car si leur présence au plan national est assurée, celle du niveau régional se révèle plus floue.

Indemnisation des seniors : pomme de discorde patronale ?

Restent également les sujets à la marge. Dans l’hypothèse où ils accepteraient de rentrer en négociation, les partenaires sociaux ont prévu de mettre sur la table plusieurs thématiques concernant l’indemnisation chômage des anciens détenus, celle des personnels de la fonction publique… ou encore des seniors.

Cette population pourrait, en effet, voir sa proportion de chômeurs augmenter dans les dernières tranches d’âge avec le recul de l’accès à la retraite. Il appartiendra alors à l’Unédic d’indemniser au gré des différents mécanismes de pré-retraite. Là-dessus, quelques achoppements risquent de survenir entre représentants des grandes entreprises et des petites…

"Il n’est plus question que les grandes boîtes se délestent de leurs salariés âgés sur la collectivité dès qu’elles n’en ont plus besoin. On s’opposera à toute tentative de facilitation des plans de licenciement de seniors qu’il appartiendrait à l’assurance-chômage d’indemniser jusqu’à leur retraite. Les petites entreprises ne se comportent pas ainsi", lance Michel Picon.

À suivre…

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