Contexte sanitaire

Les artisans face aux difficultés d’approvisionnement et de recrutement

Le 22/12/2021
par CMA NA - Charente-Maritime
Depuis plusieurs mois, les artisans sont confrontés à des problèmes d’approvisionnement et de hausses importantes des prix des matières premières qui pèsent sur une activité pourtant repartie très fortement à la hausse. Ces problématiques s’ajoutent aux difficultés de recrutement dans certains métiers de l’artisanat. Éclairage et éléments de réponse avec des experts.
Partager :

Philippe-Pierre Dornier, Professeur à l’Essec - président de Newton.Vaureal Consulting

Quel artisan ne s’étonne pas de voir ses livraisons avec un nombre croissant de lignes de commandes mis par son fournisseur en « reste à livrer » ? Et tout est à l’avenant : des devis valables 24 h, des prix qui augmentent parfois avec des pourcentages à deux chiffres en quelques jours…

Oui, les approvisionnements sont délocalisés principalement en Asie et font défaut. La Chine représente à elle seule 28,4 % de la production mondiale. La France 1,9 %. Or, les usines chinoises rencontrent quatre problèmes majeurs. Des défauts d’approvisionnement en matières premières et en composants. Des produits fabriqués qui ne sortent pas de Chine ou pas dans les temps. Des clients qui annulent des commandes ne les voyant pas arriver à temps pour leurs opérations commerciales. Enfin, des problèmes de ressources tant en énergie qu’en main-d’œuvre.

Lors de la reprise post-Covid-19, la demande de transport maritime n’a pas rencontré une offre suffisante. Trouver des conteneurs vides renvoyés des pays consommateurs vers les pays producteurs a été très difficile. Les prix du fret maritime se sont envolés : de 1 500 USD à près de 15 000 USD pour un conteneur de 40’, avec des qualités de service qui se sont dégradées : importants retards des navires, problème de capacité de chargement dans des ports chinois fermés du jour au lendemain pour cause de politique zéro Covid-19, problème de capacité de déchargement dans certains ports d’arrivée avec, parfois, aux États-Unis des délais d’attente des navires de plus de deux semaines dans les grands ports. Avec, en plus, l’augmentation du coût de l’énergie, les prix à la consommation vont mécaniquement augmenter, c’est déjà le cas. Les salaires vont devoir suivre… Bienvenue à l’inflation.

Deux questions à Fabienne Delachaise Secrétaire Générale de la CAPEB Charente-Maritime

Comment les adhérents de la Capeb 17 vivent-ils les difficultés en matière d’approvisionnement de matières premières et de recrutement de personnel ?

Depuis début 2021, les entreprises artisanales du bâtiment font face à des difficultés d’approvisionnement en matériaux. Cette difficulté impacte directement les chantiers, met à mal le respect des plannings parfois jusqu’à l’interruption.

La marge se détériore, mais, pour le moment, les carnets de commandes se portent bien. Ainsi, l’activité du 3e trimestre 2021 progresse de 2,2 % par rapport au 3e trimestre 2019 (L’activité 2021, pour être appréhendée de manière plus juste, doit se comparer à l’année 2019, et non pas à celle de 2020 qui a été totalement atypique avec une chute d’activité inédite, pour rappel - 24 %).

Une croissance qui s’explique principalement par une augmentation de l’activité en entretien-amélioration, deux fois supérieure à celle de la construction neuve et à celle de la rénovation énergétique. La demande forte des ménages se maintient et continue de profiter du dispositif MaPrimeRénov' et de l’épargne accumulée durant les confinements. Cette croissance crée ainsi des emplois, mais le manque de main-d’œuvre qualifiée ne permet pas de satisfaire la demande.

Comment les soutenez-vous ?

Nous les encourageons à revoir la durée de leurs devis en annonçant que les prix sont garantis quinze jours, période plus courte que d’habitude.

Nous leur conseillons d’expliquer la situation à leurs clients en engageant le dialogue avec eux et, parallèlement, nous les incitons à revisiter leur relation avec les distributeurs afin de miser sur la confiance.

Quant à la main-d’œuvre, nous avons signé un partenariat avec Pôle emploi pour faciliter les démarches et les reconversions professionnelles et nous nous mobilisons pour mener des actions de promotions des métiers auprès des jeunes.

Deux questions à Laurent Parrot, Secrétaire Général de la FFB Charente-Maritime

Comment les adhérents de la Fédération française du bâtiment 17 vivent-ils les difficultés en matière d’approvisionnement de matières premières et de recrutement de personnel ?

Nouvelle période compliquée pour nos adhérents. Il y a une euphorie de commandes, mais la fête est gâchée par les pénuries de matières premières qui engendrent une augmentation des coûts et un allongement des délais d’approvisionnement. Cela occasionne des décalages de chantiers mais également une réduction, voire une annulation de la marge des entreprises.

Sur le front de l’emploi, plusieurs centaines d’emplois en CDI sont à pourvoir dans notre département. Beaucoup d’entreprises doivent refuser des chantiers faute de main-d’œuvre.

Comment les soutenez-vous ?

La FFB 17 échange régulièrement avec les services de l’État, les donneurs d’ordres, les bailleurs sociaux, les élus pour les informer du contexte. Nous multiplions les actions de communication (télévision, presse écrite, radio, Facebook) pour faire de la pédagogie et expliquer les tensions sur les prix.

Nous espérons également que nos nombreuses actions avec nos partenaires de l’emploi, dont Pôle emploi, nous permettront d’attirer de nouveaux talents vers nos métiers.

Parole d'artisan : Benoît Guignard Artisan boulanger-pâtissier, gérant de la Maison Guignard à Royan

Nous rencontrons des problèmes d’approvisionnement en matières premières telles que le beurre, le sucre ou la farine entraînant une hausse des prix d’achat de 7 % que nous avons dû répercuter en augmentant les prix de nos produits en boutique de 4 à 6 %. À cela, s’ajoutent la hausse des prix de l’énergie et des difficultés d’approvisionnement d’emballages cartonnés. Notre clientèle est compréhensive car largement informée par les médias de nos difficultés. Avec mes collègues au sein de la Fédération de la boulangerie, nous voulons mettre en place des groupements d’achats pour qu’à plusieurs nous soyons plus forts pour négocier les prix avec les fournisseurs. Nous rencontrons aussi des difficultés à recruter du personnel sur de courtes durées pour remplacer des arrêts maladie avec pour conséquence la réorganisation des équipes en permanence. En novembre, nous avons décidé de fermer dix jours notre boutique principale pour mettre en congés les salariés et préparer au mieux les fêtes de fin d’année. Cela a eu un impact sur notre chiffre d’affaires bien sûr. Certes notre métier est contraignant, mais source de grand plaisir. Je forme régulièrement des apprentis avec le CFA, c’est essentiel de faire naître des vocations très tôt. Le salaire et les conditions de travail de mes employés sont des facteurs que je prends quotidiennement en compte pour continuer à les motiver et à les fidéliser dans l’entreprise.

Raphaëla Darmé & Lionel Le Kyuhong, conseillers RH à la CMA

iIs accompagnent les chefs d’entreprise ayant des difficultés à recruter du personnel. Pour cela, ils agissent sur deux leviers :

  • La mise en place de la marque employeur de l’entreprise. Aujourd’hui, un candidat qui recherche un emploi va se renseigner sur l’entreprise qui recrute. Le salaire n’est plus sa seule motivation. L’image renvoyée par l’entreprise est tout aussi importante. Objectif : mettre en place des outils de recrutement (entretiens…) avec l’employeur pour qu’il valorise ses pratiques (réseaux sociaux, bouche-à-oreille).

  • Aider le chef d’entreprise à lever certains freins. Notre rôle : lui faire prendre conscience de la nécessité d’aller au-delà de la lecture du CV du candidat. Parfois, ils ont un profil très précis en tête. L’entretien est alors primordial pour faire connaissance et sonder ses véritables motivations. Pour gagner du temps, nous réalisons des pré-entretiens avec des candidats et coachons les employeurs avant les entretiens. S’il manque une compétence, un complément de formation peut être mis en place (par un organisme de formation ou par le recruteur lui-même). Aujourd’hui, pour faire coïncider l’offre et la demande de personnel, il faut parfois prendre du temps pour former un candidat plutôt que d’attendre un candidat « idéal » qui ne se présentera probablement jamais.

Besoin d’un accompagnement RH ? Contactez Raphaëla Darme - 06 30 23 73 91 - r.darme@cm-larochelle.fr ou Lionel Le Kyhuong - 06 87 24 84 37 - l.lekyhuong@cm-larochelle.frwww.cm-larochelle.fr

Partager :