Entretien

La loi Pacte vue par Bernard Stalter

Le 29/04/2019
par Propos recueillis par Julie Clessienne
L'Assemblée nationale a définitivement adopté la loi Pacte (Plan d'action pour la croissance et la transformation des entreprises) le 11 avril dernier. Destinée à "faire grandir les entreprises" et à créer de l'emploi, elle comporte certaines mesures visant spécialement les artisans, sur lesquelles Bernard Stalter, président de CMA France, revient, en exclusivité pour Le Monde des Artisans.
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Portrait de Bernard Stalter, président de CMA France

GUICHET UNIQUE

Ne berçons pas les entrepreneurs d’illusions : créer son entreprise en ligne et à moindre coût est une chose, encore que la complexité des régimes ou statuts fait qu’il est plus sage et plus sûr de se faire accompagner par des professionnels comme les chambres de métiers et de l’artisanat (CMA). Par ailleurs, développer son entreprise et la rendre pérenne en est une autre, qui n’est possible qu’au contact de partenaires au premier rang desquels, une nouvelle fois, les CMA. Nous serons vigilants avec les décrets d’application de la loi et nous veillerons au maintien du réseau des CMA dans les flux d’information et de données du futur Registre général des entreprises afin d’accompagner et d’assurer ce lien de proximité avec les entrepreneurs toujours plus nombreux à vouloir rejoindre notre secteur. Si l’on en juge par la teneur des débats au Parlement, le Gouvernement l’a bien compris et, si besoin, nous saurons le lui rappeler le moment venu.

TRANSMISSION DES ENTREPRISES

Nous ne pouvons que saluer toutes les mesures de bon sens qui sont prises pour favoriser la transmission des entreprises, y compris celle votée dans la loi Pacte. C’est un enjeu majeur car c’est par la transmission que des savoir-faire et des métiers de l’artisanat sont préservés. Le constat est récurrent en France : les transmissions d’entreprises sont insuffisantes et cela met en péril de nombreux emplois. Parmi les causes de ce phénomène, le manque de préparation du cédant qui n’anticipe pas suffisamment cette question, soit par frein psychologique ou par manque de temps à consacrer à ces démarches. C’est donc le rôle des Chambres de métiers et de l’artisanat (CMA) – et elles s’y emploient déjà sans relâche – que de sensibiliser les chefs d’entreprise au plus tôt à ce sujet.

SEUILS

La réforme des seuils sociaux a pour ambition première de permettre la croissance des entreprises, le développement de l’emploi et la représentation des salariés. C’est la confirmation pour nous aussi d’une filière de l’artisanat, qui conserve les entreprises artisanales en croissance. Le dépassement de certains seuils d’effectifs impose un certain nombre d’obligations et de charges pour l’employeur. Avec l’ambition de limiter les freins à la croissance des entreprises artisanales, nous avions défendu l’idée de relever à 21 salariés le premier seuil social applicable. Au final, le législateur n’a pas retenu cette proposition mais nous avons obtenu un délai d’adaptation. Désormais, lors du franchissement d’un seuil, la loi Pacte prévoit l’instauration d’un délai de cinq ans avant que l’artisan ne se voie appliquer des nouvelles obligations.

STAGE PRÉPARATOIRE À L’INSTALLATION (SPI)

Le réseau des CMA s’était opposé à la suppression de l’obligation de suivre le Stage préparatoire à l'installation (SPI) car il n’y a aucun doute possible : le SPI demeure le garant d’une installation réussie et pérenne. Souhaitée par le Gouvernement, la suppression de son caractère obligatoire a été au centre de nombreux débats ; une proposition d’ailleurs à laquelle le Sénat s’était opposé. Aujourd’hui, nous faisons de cette situation une opportunité : le réseau des CMA, qui a toujours l’obligation de proposer une formation pour les chefs d’entreprise souhaitant s’installer, proposera, dans les prochaines semaines, une nouvelle offre de formation attractive, modernisée, digitalisée et plus à même de répondre aux besoins individualisés des créateurs.

STATUT ET PATRIMOINE

Soutenues par le réseau des CMA, les avancées apportées par la loi Pacte sur le parcours professionnel des femmes dans l’artisanat et du statut de conjoint collaborateur apportent une protection sociale systématique. Depuis des années, les conjointes, qui travaillent auprès de leurs maris artisans, n’étaient pas protégées. Cette situation pouvait créer des risques importants pour les entrepreneurs : risques pénaux pour dissimulation d’activité, requalification en salariat de l’activité du conjoint avec paiement de cotisations sociales majorées de pénalités, contentieux en cas de divorce. Elles seront désormais protégées. Cela met fin à une situation incompréhensible dans la société d’aujourd’hui, c’est donc un réel progrès et nous devons l’envisager ainsi et certainement pas comme une contrainte.

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